Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres de la Commission de l’Environnement et de l’Agriculture, en tout premier lieu nous souhaitons ici vous remercier d’avoir donné une suite favorable à notre demande d’audition concernant ce projet de loi.
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Sommaire :
- Présentation de la FGFC
- Structure de l’audition
- Article 6 (spécifique)
- LZIAM – L 1 45
- Article 16 – Conseil du climat et de la durabilité
1. Présentation de la Fédération genevoise des fournisseurs de la construction (FGFC)
La Fédération genevoise des fournisseurs de la construction (FGFC) est une association qui regroupe plusieurs autres associations professionnelles patronales, dont Association genevoise des Entreprises de Transport (l’AGET), Association Suisse des Transports Routiers, section Genève (l’ASTAG), les Fustiers de Genève, le Groupement des Entreprises Genevoises du Gravier et du Béton (GEGB), les Recycleurs de Genève, et l’Association des Quincaillers Suisses, section Genève (l’AQS).
Notre fédération représente les intérêts de plus de 160 entreprises genevoises ce qui ne représente pas moins de 2'600 emplois sur notre canton.
Nos membres couvrent un spectre très large d’activités touchés de près par :
- Les enjeux climatiques énoncés en préambule du projet de loi (article 1 « buts » et 3 « objectifs », et développés au chapitre « Exposé des motifs » (page 19/52 du PL 13225) ;
- Les réflexions menées par l’ensemble de la communauté économique suisse ou étrangère aux fins de développer des processus industriels alimentés par des sources d’énergie durables ;
- Les réflexions menées en vue de raccourcir les circuits production-consommation (circuits-courts) de manière à assurer la rationalisation des coûts / bénéfices de nos industries ;
- L’engorgement de la voirie qui rallonge nos temps de déplacement, ce qui représente un impact majeur tant sur le coût de nos prestations que la rapidité de nos transports ;
- La compétitivité de nos différents secteurs face à une concurrence étrangère biaisée dont les entreprises françaises bénéficient de conditions-cadres plus favorables pour le développement de leurs marchés respectifs.
2. Structure de notre audition
Comme indiqué précédemment, notre Fédération regroupe 5 associations professionnelles genevoises représentants les intérêts généraux de leurs membres et de leurs branches respectives, lesquels sont touchés de près par l’ensemble des développements visés dans le Projet de loi PL 13225.
Nos membres se battent activement depuis de nombreuses années à l’amélioration des conditions environnementales du Canton en investissant dans leurs outils de travail et/ou de production en veillant à apporter des solutions durables ou encore en récupérant nos déchets et en les valorisant par la suite, ce qui est largement reconnu par les départements et services de l’Etat. [Exemples d’investissements : camions électriques/renouvellement permanent des flottes – pompes à chaleurs/panneaux solaires : zéro émission nette de CO2 – valorisation des déchets/chaîne de valeur (cimenterie par exemple et réduction de 50% de l’impact CO2).
Toutes les entreprises que nous représentons ont amorcés depuis longtemps leurs mutations environnementales et ont déjà procédés à de nombreux investissements éco-responsables tels que: électrification des moyens de productions (par exemple élévateurs, pelleteuses etc.), installations de sources d’énergies dites propres sur leurs bâtiments (pompes à chaleur, panneaux solaires, etc.), remplacement de la flotte de véhicules à combustion thermique par des véhicules à propulsion électrique ou à hydrogène, ou encore pour certain : raccordement au réseau ferroviaire pour un approvisionnement par le rail.
Fort de notre expérience, nous pensons pouvoir vous donner un éclairage pragmatique avisé sur le projet de loi et les défauts structurels que nous y voyons de manière générale.
Notre intervention se veut très générale et nous ne commenterons pas tous les articles spécifiquement en nous concentrant sur ceux traitant du transport professionnel.
Cependant, nous suivrons la trame que nous offre l’article 6 du Projet de loi pour commenter le projet dans son ensemble et nous terminerons par quelques commentaires sur le projet de constitution d’un Conseil du climat et de la durabilité (article 16 du projet LClim).
3. Article 6 LClim
3.1. Article 6, al. 2 PL Clim :
- « Le canton développe la ville des courtes distances, s'appuie sur les nouvelles technologies numériques et offre des alternatives pour inciter au report modal en développant principalement des aménagements en faveur des modes doux et des transports collectifs en vue de réduire les distances de déplacements et atteindre l'objectif de ˗40% de transports individuels motorisés d'ici 2030. »
Prise de position :
En tout premier lieu nous nous permettons d’attirer votre attention sur le fait qu’à notre sens le projet tel que présenté contrevient à l’article 190, al. 3, de la Constitution genevoise :
« (l’Etat) garantit la liberté individuelle du choix du mode de transport. ».
En effet, il est impossible de mettre en application des objectifs de réduction du trafic individuel motorisé (TIM) de l’ordre de 40% sans violer l’article en question de la Constitution genevoise.
Par conséquent, l’article 6, al. 2 PL Clim doit – à notre sens – réserver les dispositions de la Constitution genevoise dont l’amendement ne semble pas faire partie du projet. A défaut, la loi, si elle devait être adoptée, pourrait faire l’objet de nombreux recours.
Par ailleurs, pour des besoins de clarté afin d’éviter des encombres au transport professionnel de marchandises essentiel à la bonne marche de notre économie, et dont l’exercice est -au surplus- protégé par le droit fédéral (LAP ; loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays, RS 531), nous sollicitons que l’article exclut expressément des objectifs de réduction de « transports individuels motorisés » le transport professionnel.
Dans le même sens mais plus largement, le projet de loi n’est pas clair en ce qui concerne l’objectif de réduction de 40% du trafic individuel motorisé. En effet :
Qu’englobent ces 40% ?
- Les transports professionnels (camions, cars, taxis et véhicules de livraison etc.) ?
- Les transports motorisés privés uniquement ?
- Qu’entend-on par – 40% ? moins de kilomètres parcourus (distances) ou moins de véhicules ?
Par conséquent, nous demandons à ce que l’exclusion du transport professionnel soit expressément prévue (ancrée) dans la loi Climat.
Nous demandons que des précisions soient apportées au texte afin de clarifier et ne laisser aucune ambiguïté quant à l’objectif visé par cet alinéa :
« (…) en vue de réduire les distances de déplacements et atteindre l'objectif de - 40% de transports individuels motorisés privés d'ici 2030. »
De manière plus générale, le texte est rédigé – à dessein – de manière très abstraite, pour ne pas dire floue, ce qui laissera beaucoup trop de marge d’action(s) au Conseil d’Etat pour en concrétiser les termes ce qui par principe, et compte tenu d’expériences passées, nous met dans l’inconfort et serait de nature à détourner nos institutions politiques, le Grand Conseil et les citoyens ayant seuls la compétence d’adopter les lois.
Pour résumer, en laissant au Conseil d’Etat une trop grande marge de manoeuvre, le Grand Conseil et les citoyens sont dépouillés de l’exercice de leurs droits.
Nous ne sommes pas opposés au développement de « la Ville des courtes distances », (également article 7, al. 2 « économie circulaire ») bien au contraire. Pour mémoire, nos entreprises travaillent à Genève, se fournissent à Genève et livrent à Genève.
Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le fait que certains de nos membres ont activement milité pour que la nouvelle loi sur les Déchets intègre une taxe (à l’excavation) qui aurait favorisé les circuit-courts en décourageant l’exportation des matériaux d’excavation. Malheureusement la loi définitivement adoptée ne le prévoit plus et ce sont des milliers de camions (estimation : 100'000 camions parcourant au total 20 millions de km par an pour le transport de granulats) qui traversent nos frontières pour transporter ces matériaux sur de très longues distances sur France.
Le texte du projet de loi LClim ainsi que l’Exposé des motifs (page 30) ne nous permet pas de comprendre les concepts énoncés de « Ville des courtes distances » (article 6, al. 2 PLC Lim) « planification urbaine adéquate » (Exposé des motifs) (…) et « d’un territoire de proximité » (Exposé des motifs). Des précisions dans le texte du projet de loi nous permettraient de mieux cibler notre intervention.
Nous sommes favorables aux circuits dits courts. La situation dans laquelle nous nous trouvons est néanmoins la résultante d’une politique mise en place depuis longtemps de désindustrialisation de notre canton au détriment d’activités industrielles de production (matériaux de construction compris). Pour preuve nous constatons que les espaces industriels (pour des industries dites « lourdes ») font cruellement défaut sur l’ensemble du territoire de notre canton et plus particulièrement sur la rive gauche
(Arve-Lac) [Exemple : FTI] ce qui nous semble être un préalable nécessaire.
Les circuits-courts passent par une politique de réindustrialisation laquelle n’est pas même abordée par le projet en consultation. Ceci représente un point cardinal d’attention et de réflexion qu’il ne faut pas négliger.
3.2. Article 6, al 4 du projet de LClim
Le libellé de cet article nous interpelle en ce sens qu’il se focalise uniquement sur l’électrification du parc de véhicules sans tenir compte des modes alternatifs de propulsion neutre en émissions carbone que sont l’hydrogène, les carburants synthétiques et les technologie hybrides.
Quant aux véhicules 100% électriques, il est désormais de notoriété publique que les émissions de CO2 ne sont pas statiques, elles voyagent à travers les frontières. Or, la production de ces véhicules est très consommatrice d’énergies polluantes et de ressources terrestres dites « rares », souvent exploités dans des conditions humaines douteuses.
Le 90% des émissions de CO2 est produit à l’origine, sans compter l’achat de batteries neuves qui après un laps de temps d’utilisation relativement court perd en autonomie résultant d’une hausse importante de la demande d’approvisionnement en énergie (électricité) qui fait défaut aujourd’hui déjà !
Qui plus est de nombreuses sources scientifiques commencent à mettre en exergue que l’usure des pneus est productrice de microparticules très néfastes pour l’environnement et la santé de nos concitoyens.
Or, les véhicules électriques, de par leur puissance et leur couple, useraient beaucoup plus leurs pneus que ceux à combustion thermique.
Prise de position :
Nous suggérons à la Commission d’intégrer ces modes alternatifs dans le projet de loi afin que les entreprises de transport puissent moderniser leur flotte en fonction de l’évolution de l’état de l’avancée des technologies et de leurs besoins spécifiques et économiquement viables (hydrogène : avenir sur les longues distance).
3.3. Article 6, al. 4 du projet de LClim
« Le canton prend des mesures pour faciliter l'électrification du parc des véhicules privés à hauteur de 40% d'ici 2030. »
Prise de position : L’objectif de 40% de véhicule électrique privé est irréaliste
L’alinéa 4 est irréaliste avec un taux actuel (base : 2021) de 1.2% d’VEs et un âge moyen de 8 ans pour le parc automobile genevois. De plus, avec un taux de locataires de près de 80%, l’installation de bornes privées à domicile est difficile, pour ne pas dire impossible à réaliser. Le canton se fixe un objectif ambitieux sans se donner les moyens d’y parvenir.
Le projet parle par ailleurs uniquement de véhicules électriques alors que l’ensemble de la communauté industrielle s’intéresse depuis longtemps déjà à l’utilisation d’autres sources d’énergies durables.
Selon des expériences vécues par nos membres, les initiatives privées allant dans un sens favorable à l’environnement se trouvent immédiatement confrontées à certaines réalités structurelles : à titre d’exemple mentionnons le cas rencontré par certaines entreprises qui ont librement choisi de passer leur parc de chariots élévateurs diesel à des modèles électriques avec batteries. Quelle n’a pas été leur surprise de recevoir cet été un courrier des SIG (copie annexée au présent document) les informant que désormais ils font partie des « gros consommateurs » et qu’en tant que tel ils seront impactés par les risques de pénuries en approvisionnement d’électricité et de gaz les obligeant à subir des mesures de contingentement (tels que prévus dans le plan OTRAL de la Confédération en 4 niveaux), péjorant ainsi la bonne conduite de leurs activités.
Cet exemple illustre les difficultés que nous allons tous rencontrer dans un futur proche et dont personne ne fait état. Imaginons que l’ensemble des véhicules privés et des poids-lourds fonctionnent l’alimentation électrique, imaginons que nos industries fonctionnent également à l’électrique, le problème serait insurmontable et nous subirions des interruptions de production, qui pourraient être fatales pour nos entreprises et donc pour notre économie en général, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Le projet met clairement notre économie en danger ! Améliorons nos infrastructures de manière à permettre aux industriels que nous sommes de travailler de manière « éco-responsable » sans en subir des effets négatifs indirects (gros consommateurs d’électricités = mise au point d’un plan de contingentement, mesures alternatives/plan de continuité d’exploitation, etc.).
Le projet, dans sa forme actuelle, ne prévoit aucune forme de collaboration avec les SIG ce qui ne saurait assurer la faisabilité des objets visés par le projet de loi.
3.4. Article 6, al. 5 du projet LClim
« Le canton favorise la réduction des émissions liées aux transports des marchandises notamment en les optimisant, en collaboration avec les milieux concernés. »
Prise de position : l’optimisation souhaitée semble être un voeux pieu
La marge de manoeuvre pour le transport de marchandise est extrêmement réduite et les gains seront, au mieux, marginaux. Le report modal sur le rail est limité par les infrastructures actuelles.
Actuellement le fret ferroviaire est déjà exploité à son plein potentiel et aucune augmentation des capacités, par le biais d’investissement fédéraux massifs, n’est prévu à un horizon visible.
Un dédoublement des lignes CFF tel qu’espéré prendra des décennies et sera en priorité dévolu au trafic voyageur, voulu par les CFF car plus rentable. Par ailleurs, le financement du rail dépend de la Confédération ce qui ne permet pas au Canton de mener une politique de mobilité « durable »
indépendante.
Quant aux vélos-cargos, n’oublions pas que nos membres travaillent avec des matériaux de construction dont l’unité de mesure est au minimum la tonne, ce qui excède largement les capacités de prise en charge d’un vélo-cargo. Les matériaux sont lourds et volumineux et il n’est pas sérieux d’envisager leurs livraisons par des vélos propulsés à la force du mollet !
Pour information ou rappel, nos membres transportent des centaines de milliers de tonnes de marchandises ou de contenants par an. Les vélos-cargos peuvent être utiles pour le transport de quelques habits ou médicaments mais pas de palettes de ciment, de palettes de plaques de plâtres (env. 1,5 to.), de cadres de tubes PVC (long. min. entre 3 et 5 mètres), de bétons ou de granulats en vrac !
Notre fédération soutient activement le mode de consommation local privilégiant ainsi les circuits-courts d’une économie locale. Reste à définir comment imposer ces modes de consommations dans les appels d’offres tant publics que privés.
Or le projet ne met pas de cautèles pour contrôler les importations (à titre d’exemple ce sont plus de 100'000 mètres cubes de béton, ou 1'000'000 de tonnes de granulats qui sont importés chaque année de France sur le marché genevois !). Ces ressources sont actuellement disponibles sur notre canton et notre fédération attire l’attention des donneurs d’ordres publics (Etat, SIG, Aéroport, communes etc.) depuis plus de 10 ans en leur demandant de tenir compte de l’offre locale lors d’attribution de marchés publics.
4. Art. 16 Conseil du climat et de la durabilité
« 1 Un conseil du climat et de la durabilité (ci-après : conseil), composé de 12 à 15 membres, est institué en tant qu'instance consultative représentative des milieux concernés.
2 Le conseil dispose notamment des attributions suivantes :
a) il est associé à l'élaboration du plan climat cantonal et à ses mises à jour ;
b) il est consulté lors du réexamen des mesures liées au plan climat cantonal ;
c) il est consulté par le Conseil d'Etat avant le dépôt d'un projet de loi modifiant la présente loi ;
d) il peut faire toute proposition qu'il juge utile en matière de politique climatique et environnementale à l'intention du Conseil d'Etat.
3 La composition, le mode de fonctionnement et les compétences détaillées du conseil, notamment en matière de développement durable et d'environnement, sont définis par voie réglementaire.
Prise de position : Il est précisé à l’alinéa 1 que le conseil sera représentatif des milieux concernés. Il est important de veiller à ce que les milieux économiques soient représentés en nombre suffisant et en tenant compte de leurs expertises respectives.
Nous suggérons que les milieux économiques soient expressément mentionnés à l’alinéa 1. afin de garantir leur représentativité dans les débats, et de présenter clairement le mode de sélection prévu à cet effet au sein des associations professionnelles et économiques. Pour rappel, le droit fédéral prévoit expressément la représentativité des milieux économiques.
Dans cette optique nous nous interrogeons sur la composition prévue du conseil à ce stade de réflexion des concepteurs de la loi ainsi qu’au mode d’attribution et de choix des sièges.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les qualifications nécessaires (expertise) à la bonne tenue du conseil compte tenu des aspects techniques, environnementaux et économiques qui devront être couverts.
Vous remerciant de votre attention, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la commission de l’Environnement et de l’Agriculture, en l’expression de notre parfaite considération.
Le Président Le Secrétaire
Frédéric PLOJOUX Milos BLAGOJEVIC